Metoo ... much
Les féministes, ça me casse un peu les couilles.
La phrase n’est pas de moi. Je l’ai entendue, il y a peu, en écoutant un sketch de l’humoriste Blanche Gardin. Ceci dit, elle n’a pas tout à fait tort … Parfois, en effet, trop, c’est trop.
Que l’on ne me fasse pas dire ce que je ne dis pas. Le féminisme, en soi, est un mouvement (malheureusement) utile. Utile, par exemple, pour faire prendre conscience aux hommes de la bêtise de certains de leurs comportements. Utile pour permettre aux femmes de s’exprimer librement lorsqu’elles en ressentent le besoin. Utile parce que, non, la femme n’est pas inférieure à l’homme, non, ce n’est pas une créature de Satan, non, elle n’est pas uniquement là pour servir une bière à son mec pendant qu’il regarde son match de foot à la télé, non, elle n’a pas à rester dans sa cuisine, non, elle n’existe pas seulement pour s’occuper des gosses qui, s’ils sont éduqués comme toi, deviendront aussi cons que toi. Rien n’est plus consternant que de voir un homme devenir subitement un mâle en rut parce qu’il a vu la jupe courte d’une jeune fille se relever sous l’effet du vent dans la rue. Rien n’est plus stupide qu’un homme qui traite une actrice porno ou une modèle qui pose nue de "pute" ou de « salope » mais qui s’empresse de tromper sa femme avec la première venue parce qu’il n’est pas capable de contrôler ses pulsions sexuelles. Rien n’est plus con que l’homme qui s’imagine, à tort, etre drôle lorsqu’il se plait à faire publiquement des remarques sexistes qui n’amusent que lui. Et que dire du crétin qui drague en envoyant une photo de sa bite en érection à toutes les femmes un peu sexy qu’il croise par hasard sur les réseaux sociaux ? Tu crois quoi, gamin ? Qu’elle va tomber dans tes bras ? Qu’elle va être éblouie par la beauté de ta saucisse de 15 cm ? Qu’elle va te demander ton numéro de téléphone pour solliciter humblement un RDV afin de vérifier si elle n’a pas remplacé ton cerveau ?
Pour toutes ces raisons et plein d’autres (le droit de vote, le droit d’exercer la profession de son choix, le droit de conduire une voiture, etc.), le mouvement féministe est utile même si, une fois encore, on ne peut que regretter qu’il le soit encore de nos jours. Metoo, cela ne devrait même pas exister parce que, ce que ce mouvement entend dénoncer, ne devrait pas exister non plus. Mais il est vrai que, quand on voit le comportement d’un Harvey Weinstein, on ne peut qu’applaudir la naissance et le développement spontané de ce mouvement … tant qu’il ne sombre pas dans l’excès inverse.
Car oui, elle a raison, Blanche Gardin, parfois, le mouvement féministe, même s’il reste utile, il casse un peu les couilles et pas uniquement celles des hommes. Quoique. Le problème, ce n’est pas tellement l’excès de féminisme en tant que tel mais plutôt le puritanisme qui l’accompagne trop souvent, la pseudo-morale liberticide, tout ce qui fait de la femme non plus l’objet de l’homme mais l’objet de la cause qu’elle prétend elle-même défendre.
C’est quoi, au fond, le but poursuivi par le féminisme, par Metoo ? Défendre la cause des femmes, dénoncer les paroles et les actes sexistes dont elles sont les victimes, leur donner les mêmes droits que les hommes, à commencer par la liberté d’expression. Il s’agit donc de défendre le point de vue des femmes en général, de toutes les femmes, pas uniquement un type de femmes. Or, trop souvent, on constate aujourd’hui que les féministes les plus radicales ont une fâcheuse tendance à se victimiser à outrance, à se battre contre des moulins à vent pour des broutilles, à fustiger le comportement d’autres femmes non politiquement correctes à leurs yeux. Il ne s’agit plus de défendre la Femme mais une certaine vision très étriquée de la femme, la femme, telle qu’elle devrait être, selon elles. On remplace ainsi la tyrannie de l’homme par celle de la femme.
Quand un humoriste raconte une blague sur les juifs, cela ne fait pas nécessairement de lui un antisémite. Quand on se moque des arabes, cela ne signifie pas que l’on blasphème ou que l’on cherche à offenser délibérément leurs croyances. Quand on imite l’accent d’une personne noire, cela ne veut pas dire que les blancs sont supérieurs aux personnes africaines. Le but n’est pas de rabaisser, il n’est pas de cultiver un complexe déplacé de supériorité. Il est de faire rire, si possible. Quand un homme raconte une blague sur les blondes, s’il fait une remarque à connotation sexuelle pour plaisanter ou pour déconner, s’il parle de cul, pour dire les choses plus vulgairement, il ne fait rien de mal, bien au contraire, puisqu’il essaie de détendre l’atmosphère, ce qui est un acte plutôt positif : il faut simplement ne pas le prendre pour soi, ne pas se sentir systématiquement visé, cultiver le second degré, ne pas se prendre trop au sérieux, faire la part des choses et ne pas s’offusquer finalement pour rien, même si la blague, la remarque n’est pas très drôle, au final. Il n’y a rien de mal, je le répète, à tenter de faire preuve d’humour, même si le propos tombe à plat. Le mec qui se moque des blondes ne te vise pas toi personnellement, Barbie. Il ne cherche pas à te blesser. Il veut juste faire rire l’assemblée et il y arrive … ou pas. Et quand les féministes pointent du doigt le type qui a osé agir de la sorte, elles exagèrent, elles font preuve d’une susceptibilité inappropriée, elles irritent, elles nuisent à leur propre combat pourtant légitime. Les choses sont, par contre, très différentes, bien sûr, lorsque la motivation du petit comique n’est pas le rire ou le sourire mais le nuire : mettre volontairement une femme mal à l’aise devant une assemblée avec ses propos déplacés, la choquer délibérément, se moquer d’elle … ce n’est pas acceptable, c’est un manque de respect et je suis, en ce cas, totalement du côté de celles et ceux qui dénonceront cette attitude malsaine, laquelle démontre dans le chef de son auteur un niveau de développement personnel proche du néant. Mais de là à hurler au scandale dès que l'on tient des propos orientés "sexe" ... C'est un sujet comme un autre et cela ne fait paspour autant de la femme un objet masculin.
De même, quand un homme cherche à séduire une femme, lorsqu’il la drague, lorsqu’il l’aborde, il ne fait rien de mal. Il est attiré par cette femme, il tente le coup, on ne sait jamais. Rien de grave. Si les hommes n’agissaient pas de la sorte, il n’y aurait plus de couple et plus de femmes ni d’hommes à terme, faute de relations. Tant que l’on en reste à ce stade, il n’y a rien à dire, rien à combattre, rien à défendre. La femme reste libre de se laisser séduire si l’attirance ou l’intérêt est réciproque ou, au contraire, elle peut éconduire gentiment son prétendant si elle n’est pas intéressée, pas libre, pas envie. Là encore, à ce stade, tout est normal, le discours féministe n’a absolument pas lieu d’être. Une homme s'autorise à courtiser une femme, quoi de plus banal ? A ce stade, les féministes nous cassent donc un peu les couilles si elles se plaignent ou s'insurgent de voir un homme s’intéresser à elles … Elles devraient s’en réjouir, au contraire : elles ne laissent pas les autres indifférents. En d’autres termes et en caricaturant le propos : non, mesdames, il ne faut pas crier « Metoo » si un homme vous aborde pour vous offrir un verre ou s’il vous dit que vous êtes jolie. Par contre, nous sommes bien d’accord, si votre réaction a été « non merci » et si le mec insiste lourdement, s’il poursuit la conversation malgré la réticence exprimées par la dame, s’il persiste à l'importuner, alors moi aussi (me too), j’ai envie de lui mettre une baffe pour ramener son zizi vers son entre-jambes. Tout est question de mesure : ne pas crier trop vite au harcèlement sexuel mais dénoncer celui-ci lorsqu’il y en a vraiment un parce que, oui, il y a beaucoup de cons …
Tout ceci pour en arriver finalement là où je voulais en venir dès le départ : le féminisme reste encore et toujours utile tant qu’il ne verse pas dans l’excès, tant qu’il ne scie pas la branche sur laquelle la femme est assise, ce qui est souvent le cas lorsque le sexe s’en mêle (ou, si l’on préfère, lorsque le sexe s’emmêle). Je m’explique.
Une femme nue. En photo. Sur les réseaux sociaux. Le cadre est posé, certaines vont pouvoir s’en donner à coeur joie : c’est une salope, ce n’est pas digne d’une femme, c’est une femme réduite au rang d’objet. Encore une qui s’exhibe aux yeux de tous pour attirer l’attention sur elle. Et dire que l’on s’est battu pendant des décennies pour ne plus voir ce genre de choses. J’en passe et des moins bonnes. Là, franchement, madame la féministe, tu me casses les couilles. Ce n’est pas la Femme (avec un grand F) que tu défends puisque tu la critiques, tu la juges, tu la condamnes. C’est ta vision de la femme que tu défends, celle qui n’appartient qu’à toi. Non, ce que tu défends, c’est le puritanisme à l’américaine, pas la Femme. Tu n’es pas elle, elle n’est pas toi. Une femme, ne t’en déplaise, a le droit de poser nue si cela l’amuse, et ce pour des tas de raisons. Parce qu’elle a envie de se sentir belle. Parce qu’elle veut se sentir désirable et désirée. Parce qu’elle veut s’approprier ou se réapproprier son corps (tiens, au fond, n’est-ce pas aussi l’un des combats du féminisme ?). Parce qu’elle aime ça et qu’elle n’a pas à te rendre des comptes sur son vécu, ses envies, ses pulsions, ses désirs … Parce que c’est aussi son droit, comme celui de travailler, de voter, de conduire une voiture. Elle n’est pas moins respectable que toi, elle aussi, c’est une femme, comme toi. Et elle est même bien plus courageuse que toi parce que, elle, au moins, elle ose affronter le regard des autres sans faire de mal à personne, sans juger, sans blesser, parce qu’elle en a envie, tout simplement. C’est sa vie. C’est son corps. Une féministe ne devrait pas pointer du doigt la femme qui pose nue et qui l'affiche : elle devrait l’applaudir pour son courage ,parce qu’elle fait librement ce qu’elle veut comme elle le veut. Elle mène le même combat que toi ...
Un pas de plus. La camgirl, l’actrice porno. C’est honteux, elle donne de la femme une image avilissante, elle se plie aux aspirations d’une société patriarcale, elles se soumettent à la perversité des hommes et désservent la cause féministe. A vrai dire, non … Si c’est consenti, si elles aiment ce qu’elles font, si elles prennent du plaisir à le faire, si elles sont contentes de gagner de l’argent en pratiquant ce métier, où est le problème ? En quoi cela te concerne-t-il ? Elles t’obligent à faire la même chose ? Non … Ce n’est pas parce que toi, tu es un peu moins ouverte d’esprit qu’elles, que ces femmes doivent te ressembler, qu’elles doivent s’interdire de faire ce qu’elles ont envie de faire. Elles n’ont pas à devenir toi, telle que tu te vois. Au final, c’est toi, la femme, qui emprisonne cette femme en luin disant ce qu’elle peut faire ou ne pas faire ! Tu te comportes comme une macho … Tu lui dis ce qui est bien et ce qui est mal. Tu penses à sa place. Tu décides à sa place. Tu te comportes en définitive comme ces mecs que tu n’apprécies pas … Chacun fait ce qu’il veut. Si une femme a envie, pour quelque raison que ce soit, de s’exhiber devant une cam ou de se faire filmer pendant ses ébats sexuels, c’est encore son droit, et cela se respecte. Elle est libre de faire ce qu’elle ressent comme étant bon pour elle et, la liberté, précisément, n’est-ce pas ton combat ? De quel droit la juges-tu ? Qui es-tu pour lui dire qu’elle donne de la femme l’image d’un objet à la disposition des hommes ? Elle est juste différente de toi, plus délurée, moins conditionnée par sa culture, ses croyances, son éducation. Plus attirée par le sexe. En cela, n’est-elle pas un cran plus loin que toi dans ton développement personnel ? N’est-ce pas sur elles que tu devrais prendre exemple au lieu de t’offusquer de ce qu’elles font ? Ce n’est pas cela, le féminisme ? L’acceptation de l’autre, telle qu’il est, telle qu’elle est ?
Encore un peu plus loin. La prostituée. Celle qui vend son corps, parfois à d’autres femmes, le plus souvent à des hommes en mal d’amour. Non, cela, me diras-tu, ce n’est vraiment pas acceptable. Ce n’est pas digne d’une Femme. C’est vraiment se réduire à un produit de consommation, se soumettre au Monde des hommes. Ah oui, tu crois ? Bien sûr, je ne parle pas ici de celles qui se prostituent parce qu’on les y oblige, parce qu’on les contraint à le faire, contre leur volonté, parce qu’elles n’ont pas le choix, parce qu’on les menace. Ces femmes-là, il faut les aider, les soutenir, les protéger. Et les proxénètes qui les utilisent à leur profit, leur place est clairement derrière les barreaux. Non, je parle des femmes qui le font volontairement, parce qu’elles aiment ça et/ou parce qu’elles aiment l’idée de gagner de l’argent en le faisant, parce qu’elles aiment « faire la salope, faire la pute". Si elles le font, ce n’est pas pour salir la Femme, mais parce qu’elles sont libres de faire ce que bon leur semble de leur corps. C’est leur corps, pas le tien. Cela ne te concerne pas, cela les concerne, elles. Elles sont finalement plus féministes que toi, la femme qui les critique : elles sont libres dans leur tête, libres dans leurs corps, elles s’assument, elles assument leur sexualité, elles gagnent leur vie comme elles l’entendent en faisant ce qu’elles veulent. Personnellement, je les trouve admirables parce qu’il en faut, du courage, dans notre société de plus en plus puritaine, pour oser faire un métier aussi difficile, sous le regard d’hommes et de femmes qui ne manqueront pas de les mépriser, les insulter, pour ce qu’elles font. Juger une prostituée parce qu’elle est une prostituée, c’est faire l’inverse de ce que l’on prétend défendre lorsque l’on se déclare féministe. Quand tu le fais, madame Sainte-Nitouche, tu nous casses les couilles. Quand tu la soutiens, quand tu l’admires, quand tu l’aimes, cette prostituée, je n’ai qu’une envie : Metoo, je veux m’inscrire au M.L.F.
A l’inverse, si une femme, musulmane, souhaite, de son plein gré, porter un voile, parce que c’est conforme à ses croyances, à ses valeurs, parce qu’elle veut montrer son dévouement à son mari, parce qu’elle a sa propre conception de la morale, c’est la même chose : elle fait ce qu’elle veut, elle est libre, elle ne fait rien de mal, elle reste fidèle à elle-même … et elle sert la cause féministe à sa manière, comme toi qui la regarde de travers parce que tu l’imagines soumise à son homme. Il n’y a pas à la juger et encore moins à lui interdire la burqa. C’est sa vie, sa liberté. Par contre, si ce voile lui est imposé par un homme, si ce n’est pas consenti, au même titre qu’un viol, que des attouchements, il convient de se battre pour qu’elle recouvre sa liberté. Tout est question de consentement, de liberté d’expression. La femme qui fait ce que bon lui semble est féministe. La féministe qui la critique parce qu’elle n’agit pas comme elle l’aurait fait à sa place, parce qu’elle ne lui renvoie pas sa propre image de la femme, n’en est pas une.
Qu’elle pose nue, qu’elle s’exhibe en cam, qu’elle tourne dans des films pornos, qu’elle porte le voile, qu’elle se restreint elle-même à être une femme au foyer qui fait la bouffe, le ménage et s’occupe des gosses, une femme reste une femme, quelles que soient ses valeurs, ses croyances, son éducation. Elle mérite le respect, même si elle est différente de toi. Etre féministe, c’est défendre toutes les femmes, c’est s’interdire de leur imposer un modèle et de juger celles qui ne s’y conforment pas.